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A Bayeux, une formation pour apprendre le reportage de guerre

Alors que des tirs retentissent, assourdissants, deux journalistes vêtus d’un gilet pare-balles bleu siglé « Presse » traînent péniblement un collègue blessé pour le mettre à l’abri. Le jeune homme gémit, une plaie sanguinolente à l’œil, mais le plus grave est ailleurs : après l’avoir examiné, les deux journalistes constatent que les balles lui ont perforé une artère, et lui posent aussitôt un garrot.
Nous ne sommes pas en Ukraine, mais à Bayeux (Calvados), en Normandie, sur un stand de tir où de jeunes reporters suivent un atelier pratique de la formation du Manoir, organisée par l’Académie France Médias Monde (groupe qui chapeaute France 24, RFI et la radio Monte Carlo Doualiya). Une douzaine de stagiaires se familiarisent au reportage en zone dangereuse pendant le Prix Bayeux Calvados-Normandie, le festival des correspondants de guerre.
Alors que Philémon, le « blessé » couvert de faux sang se relève, indemne, Fabrice Simon-Chautemps, responsable du secourisme pour la formation, fait le point : « Vous n’êtes pas tombés dans le piège, il fallait bien traiter l’hémorragie avant l’œil. En revanche, vous auriez dû mettre la couverture de survie plus tôt : ceux qui ont des traumatismes pénétrants, il faut les couvrir. L’hypothermie tue. »
Alors que, pendant des années, les reporters de guerre ont appris sur le tas, sur le terrain, les réflexes à avoir et les gestes qui sauvent, ils sont désormais de plus en plus nombreux à suivre une formation pour diminuer les risques, non seulement sur les zones de conflits, mais aussi dans les lieux dangereux, comme les manifestations ou les ZAD. D’autres formations existent, en général animées par des militaires.
Celle du Manoir a été créée en 2014 par un journaliste de France 24, Matthieu Mabin, à la suite de la mort des reporters de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon au Mali, en 2013. « C’est une formation vraiment pensée à partir de l’expérience des journalistes, explique Jean-Christophe Gérard, qui anime le stage, directeur de la sûreté à France Médias Monde. L’idée, c’est de leur donner des outils sans les contraindre, et d’augmenter leur autonomie. » A chaque session, un reporter expérimenté vient partager son expérience – cette année, Eliott Brachet, reporter longtemps établi au Soudan.
Si des médias comme Arte, France Télévisions ou Le Monde proposent (voire imposent) cette formation à leurs salariés et à leurs collaborateurs réguliers, pour les indépendants, le coût (plus de 4 000 euros) peut se révéler prohibitif. Tous les deux ans, pendant le Prix Bayeux, le fabricant d’appareils photos Nikon finance donc la formation pour une douzaine de pigistes, en majorité des photographes ou des vidéastes. A Bayeux, ceux qui ont été sélectionnés ont des âges et des parcours divers, mais la plupart ont connu une première expérience sur des terrains compliqués.
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